lundi 15 juillet 2013

Noukous, vers la defunte mer d'Aral


Noukous capitale de la République du Karakalpakistan (région administrative Ouzbèke)  est une ville étrange. Toutes les rues se croisent à angle droit, sont bordées d’arbres entre la route et le trottoir, ce qui leur donne un certain charme. Les bâtiments sont sans relief, sans attraits, très soviétiques, les rues sont désertes, on peine à y trouver des magasins, ce qui enlève aux rues un certain charme. Le soleil est fidèle et les ombrelles sont de sortie aux heures ouvrables. Beaucoup de policiers dans la rue, nous nous faisons rediriger lors d’une promenade car il est interdit de marcher dans le jardin où nous nous trouvons, drôle d’endroit cette Karakalpakie. Des tuyaux de gaz en liberté, comme en Géorgie, sont réapparus, le long des rues, comme une vigne vierge jaune et lisse. 





Nous cherchons une banque qui pourrait nous fournir des dollars avec notre carte visa, la communication est difficile. Nous finissons, après de multiples pérégrinations par trouver la banque, qui nous permet d’avoir quelques dollars d’avance. Nous trouvons ensuite facilement un commerçant pour les changer en sums. Le marché noir est toléré en Ouzbékistan et les taux de change sont 30 % moins chers comparés à ceux opérés dans les banques. Nous sortons du magasin avec des milliards de billets en petites coupures. Du coup, Phanie porte son sac sur le ventre comme si la profusion de billets nous rendait plus riches et susceptibles d’être braqués. Le sac retrouve son dos assez rapidement, nous en rigolons. 
Dans le désert de la ville se trouve un musée improbable, deux étages d’œuvres serrées, incroyable par la densité et diversité des œuvres exposées dont certaines sont magnifiques. C’est le musée Savitsky, ouvert en 1966, à l’époque encore officiellement soviétique. Le musée abrite une collection de plus de 82 000 pièces, allant des antiquités de la région (Khorezm) à l'art populaire  du Karakalpakstan, l'art ouzbek et la deuxième plus grande collection d'avant-garde russe dans le monde. Nous y restons longtemps mais pas suffisamment tant il y a de choses à voir, peintures, sculptures et vieilleries. Nous faisons la visite avec une japonaise rencontrée dans l’hôtel qui fait un long voyage depuis l’Australie où elle habite. Elle apprend aux enfants de nouveaux origamis.
De Noukous, nous prenons une voiture pour aller vers feu la mer d’Aral, à Moynaq. Trois heures de route vers le septentrion. Les habitations déjà peu nombreuses se font de plus en plus rares au fur et à mesure que la voiture s’approche du littoral disparu. Moynaq est annoncé par un vieux panneau décati au milieu duquel trône un poisson dont la peinture est écaillée depuis bien longtemps. 

Moynaq est un village du bout du monde à moitié abandonné sauf par la chaleur torride de ce qui est devenu un désert. Au pied des dunes, la mer, de sable, à perte de vue. Quelques plantes de petite taille ont pris possession des lieux. De l’activité de la pêche intense il y a encore 35 ans ne subsiste que la rouille des bateaux échoués sur une grève sans limites. 
 
 

 
 
Un programme soviétique de cultures extensives de coton dans la région a saigné l’Amou-Daria et le Syr-Daria fleuves nourriciers de la mer d’Aral. Celle-ci s’est vidée année après année pour se recroqueviller en trois décennies à plus de 150 kilomètres de Moynaq. La catastrophe écologique écrase la région sinistrée (disparition de la faune, flore, désertification de la région, salinisation intense des terres par des vents maléfiques). La catastrophe humaine est aussi patente (activité de pêche immémoriale, ville agonisante dans une région désolée, économie déjà ténue en berne…). 
Bel exemple pour les enfants de la capacité humaine à développer des projets contre vents et marées, dont seule la connerie est reine. A tourner autour des épaves rouillées et grimper sur les moins rongées, nous sommes les bienheureux de cette désolation. La dentelle des tôles grignotées par le temps est d’une beauté assassine.