mercredi 10 juillet 2013

Religion et politique


La religion est un fil rouge de notre voyage depuis la Roumanie. Nous visitons beaucoup de monuments religieux et la ferveur est source de pas mal de merveilles architecturales. Nous avons vu des églises et surtout des mosquées magnifiques, extraordinaires même. A côté de toutes ces merveilles on voit aussi à quel point la religion peut enfermer les hommes, les rendre dépendants en les réduisant à de simples exécutants. Les superstitions orthodoxes ont laissé place à l’islamisation rampante turque puis au diktat religieux iranien. La religion est le pivot de la politique imposée ici. Il se veut aussi la substance de l’Iran. Mais bon sang comment une croyance pourrait elle être considérée de la sorte et imposée comme telle ? Cette religion plaquée sur chaque être, au contraire, le vide de sa substance, son libre arbitre, son for(t) intérieur. Khomeini a récupéré la révolution de 1979. Le peuple en avait assez du despotisme du Shah et Khomeini a profité de la vague de protestation pour imposer l’Islam comme une loi. Depuis, la puissance sans partage repose entre les mains de son successeur Khameini, qui dispose de sa propre garde rapproche, les Sepah-e Pasdaran.. Une vraie dictature, avec les photos des 2 barbus partout, dans toutes les rues, dans tous les hôtels, dans tant de commerces. 
Khomeini et Khameini, guides...tateurs
Un habitant de Shiraz en nous montrant une photographie immense de Khameini au dessus d’un magasin nous expliquait que le commerçant est payé pour afficher cette photographie. Le pouvoir est concentré là et relayé par le conseil des gardiens de la constitution, 6 barbus et 6 juristes religieux (autrement dit les 12 salopards) qui peut démonter les lois comme bon lui semble et en faire passer d’autre aussi tout à sa guise. Plusieurs personnes, des jeunes surtout, nous ont affirmé que 2/3 des jeunes voire de la population ne sont pas croyants, que les gens boivent de l’alcool, interdit en Iran, à la maison. Difficile alors d’imaginer que ce pouvoir puisse tenir ainsi éternellement, un printemps finira bien par arriver, mais il serait alors très violent nous a dit cette femme de Téhéran. La loi interdit aux amoureux de vivre ensemble sans être mariés, sous peine de prison, la loi interdit les fêtes mixtes, la loi interdit, c’est son leitmotiv liberticide. Le voile est imposé par la loi. Dans certaines villes comme Téhéran, Shiraz ou Tabriz, on voit beaucoup (la majorité) de femmes dans la rue arborer un voile à peine posé sur la tête dont une mèche de cheveux dépasse en avant et souvent beaucoup plus, cheveux teints, soignés et mis en scène. Celles ci ne sont pas croyantes mais respectent la loi, le rouge à lèvre, le maquillage les chaussures à talon mis en avant ne sont pas non plus interdits. A côté les croyantes, les soumises (mais ont elles vraiment le choix ?) portent, en plus du voile (Hijab), un chador, généralement noir, qui les recouvre entièrement ne laissant que le visage plus ou moins découvert. Elles sont impressionnantes et effrayantes en noir, telles qu’on les montre toujours à la télévision lorsqu’on parle de l’Iran chez nous, en occultant bien souvent la majorité silencieuse mais visible de la population. Quelle est cette religion qui impose aux femmes de se couvrir, les hommes l’imposent, le coran le dit, couvrez vos femmes, le machisme le prolonge. Une dictature est abominable, une religion qui impose l’est aussi, l’association des deux est diabolique.
Une seule fois les chadors noirs nous sont apparus comme loufoques. Nous descendions dans le métro de Téhéran et le courant d’air venant d’en bas s’est engouffré sous le voile noir de 2 femmes qui descendaient l’escalier devant nous. Elles se sont retrouvées transformées en deux barbapapas à mesure qu’elles gonflaient. 



Le président, quasiment le seul dont on entend parler en France, a cependant un pouvoir proche de zéro. Si Ahmadinejan était une marionnette, il avait cependant le pouvoir d’ajouter de la toxicité à la rigueur imposée. Interdiction d’écouter de la musique dans les lieux publics par exemple. Il s’est mis à dos aussi toute la communauté internationale avec le nucléaire et l’embargo imposé en retour par les Etats Unis rend la situation économique catastrophique dont pâtissent les iraniens. Le taux du rial s’est effondré (1 euro en vaut aujourd’hui 45000 contre 12000 il y a moins de 2 ans), les salaires ont aussi beaucoup baissé (le salaire de ce jeune rencontré à Yazd est passé de 500 dollars à 200 dollars l’année dernière, il est donc parti travailler en Irak pour conserver les mêmes revenus). Il est monnaie courante ici pour un iranien d’exercer en même temps deux ou trois activités pour tenter de joindre les deux bouts. Alors il est clair que tout le monde en a marre de ce président traité de fou par beaucoup. Sans illusions (depuis longtemps) beaucoup de personnes avec qui nous parlions disaient ne pas vouloir voter. Beaucoup sont cependant obligées, beaucoup votent blanc. Ceux qui votent voulaient absolument virer Ahmanindjane pour de toute façon un moins pire. Un réformateur a gagné l’élection et c’est tant mieux. Cependant, son pouvoir reste marginal et cet homme, Rohani, est religieux ce qui ne laisse pas vraiment augurer d’un changement conséquent en termes de laïcité.
 L’embargo imposé est aussi criminel car ajoute au joug la misère toujours croissante plaquée sur le peuple iranien. Car il ne faut pas se tromper, si l’Iran est dirigée par des salopards, sa substance en est bien son histoire, ses terres et ses habitants magnifiques. Il n’est pas juste de réduire l’image de l’Iran à ses dirigeants. Avant notre départ combien de fois avons nous entendu de la bouche de nos proches ou autres à qui nous racontions notre projet qu’il ne fallait pas aller en Iran ou du moins faire bien attention car ce pays est dangereux. La tenue de l’élection présidentielle le 14 juin, pile au moment de notre séjour, ajoutait encore du danger au danger. Je comprends ces réactions, ayant aussi en tête ces préjugés que l’on nous sert constamment dès qu’il s’agit d’Iran. Tout cela est politique, souvenons nous que l’Iran est l’ennemi numéro un des états-uniens et ceci est relayé partout en occident. Il n’est pas question ici de dire que cette dictature est merveilleuse, je viens de donner des preuves du contraire. Mais il s’agit ici de montrer que chaque discours de mise en garde vis-à-vis de l’Iran et d’un séjour là-bas devient politique et participe de l’image monstrueuse que l’on a des iraniens. Et pourtant, les iraniens, substance du pays, sont un trésor méconnu, ils n’ont rien d’abominables, ils sont l’aubaine de ce voyage. Ce sont eux qui nous ont progressivement détendu, car nous gardions une certaine pression intérieure (fallait il rester pour les élections, nous avons des enfants…), ce sont eux qui nous ont montré dans leur spontanéité leur envie de partager, de rencontrer, leur immense malheur et souvent colère de n’avoir pas de liberté. A l’ambassade de France, où nous sommes venus nous signaler (car l’Iran est un dangereux pays) le discours a été politique et dépourvu de tact jusqu’à un point incroyable. « mais que faites vous là, comment se fait il que vous soyez ici alors que le ministère des affaires étrangères le déconseille fortement, il va falloir repartir maintenant… ». J’en veux à cette femme car elle a juste ajouté encore un peu plus de pression sur nos épaules, dans un jeu politique que nous ne demandions pas. Nous avons bien compris que l’Iran n’est pas une démocratie mais nous avons compris aussi qu’en respectant certaine règles nous traversions un pays les moins dangereux qu’il soit car les iraniens sont bienveillants, car les iraniens sont pleins de sollicitude, car les iraniens feraient tout pour nous à toute heure et en tout lieu.
Vote pour les présidentielles, 14 juin, Yazd.

Les 6 candidats à la présidentielle