mardi 9 juillet 2013

Farhaj, plus près du soleil encore


Farhaj, un village perdu dans l’aridité sableuse du désert, à 30 km de Yazd. Nous sommes seuls dans la guest-house, reçus par Mohammad, et en profitons. Les jets d’eau du bassin au milieu de la cour sont allumés pour les enfants qui se baignent donc plusieurs fois dans cette piscine improvisée sous le soleil cuisant. 



Après une première journée d’oisiveté dans notre maison nous partons en fin d’après-midi, à une heure où la chaleur n’est pas tout à fait passée, vers le désert. Les enfants sont excités car nous partons en 4x4, l’aventure commence en montant dans l’engin. Ali, qui travaille dans la guest-house, nous accompagne. Mohammad file à toute berzingue. Nous nous enfonçonsdans les dunes de sable à bon train. Mohammad nous la joue Paris-Dakar en fonçant vers le sommet des dunes pour dégringoler de l’autre côté. Ca secoue, les enfants se marrent, Phanie un peu moins et moi je flippe. Nouvelle dune, la voiture vrombit à toute allure frontalement, au sommet un espèce de mur de sable sur le sable, derrière on ne sait pas ce qu’il y a, ça va très vite. Nous passons le mur pour sauter de l’autre côté, de travers, en un éclair assez violent. J’imagine que la voiture va se renverser, ce qui n’arrive pas mais la secousse est forte. Peur bleue générale délivrée par un grand rire collectif, non partagé par Jade dont la pommette, l’épaule et le genou récupèrent le bleu de la grande frayeur. Nous continuons la balade plus tranquillement pour nous arrêter plus loin au sein de l’étendue sableuse. Promenade à pied sur les dunes. Louna écrit des mots secrets dans le sable en regardant le soleil se coucher, nous jouons dans les pentes que nous dévalons allongés en tournant sur nous mêmes pour atteindre un grand vertige nauséeux. 


Nous retrouvons ensuite Ali qui a préparé un feu, la théière continue d’y noircir sa vieille carcasse. Nous mangeons des pommes de terre braisées. Mohammad chante, Ali danse.
Le lendemain après une matinée peinarde nous partons en début d’après-midi vers du frais. Sur le bord d’un filet d’eau nous buvons un thé, mangeons une pastèque et aussi un dessert iranien, le faloodeh, composé de petits vermicelles baignant dans un jus sucré à l’eau de rose. Les oliviers nous entourent. On voit passer un mouton affolé courant comme un dératé. Au dessus, derrière un muret de pierres se trouve un cheval blanc. La chaleur au soleil est assourdissante et tous les sons sont comme amplifiés. On entend comme derrière une loupe sonore les sabots du cheval qui marche, les chants brefs des oiseaux, quelques grillons et puis presque rien d’autre. L’impression est étrange mais pas désagréable. C’est bizarre de ressentir que la chaleur a un son. Nous escaladons avec Maolann quelques rochers pour nous retrouver au dessus de l’oasis, quelques maisons, des plantations, des arbres, des canaux d’eau et plus loin le désert qui vient se casser les dents contre la verdure miraculeuse et encore plus loin toujours les montagnes. 


Nous repartons en voiture pour visiter une ancienne citadelle en pisé à double muraille, qui permettait de protéger les récoltes et aussi les objets de valeur voire les personnes en cas d’attaque extérieure au 6ème siècle.  Les champs de blé aux alentours brillent sous les rayons du soleil devenus horizontaux. 


Visite d’un caravansérail, petit tour en chameau pour les enfants puis retour vers notre logis, les enfants au volant et accélérateur.
Nous quittons Fahradj le lendemain en fin d’après midi après une nouvelle journée en pente douce, à discuter de l’Iran et sa folie religieuse et politique avec la belle sœur de Mohammad. Nous retrouvons Yazd et son terminal de bus pour partir à 19 heures vers Mashhad. 


Yazd, quand tu nous tiens



Yazd nous tend les bras en fin d’après-midi après un long voyage dans le désert. Chaleur et poussière nous ont accompagnés, deux routes parallèles, des poids-lourds, quelques voitures et rien d'autre. Nous faisons un petit détour par Abarku où se trouve un cyprès vieux comme Mathusalem. L’arbre a environ 4000 ans (Mathusalem je n’en sais rien). Un jus de melon pour nous requinquer et nous repartons vers Yazd qui n’est plus trop loin. 
 

Nous repassons des montagnes arides puis redescendons vers la ville, qui pousse par miracle, véritable oasis dans le désert avec des arbres, des jardins, des plantations grâce à l’eau souterraine de ces montagnes. Nous restons quelques jours dans un hôtel encore sympa où nous éprouvons les heures chaudes à finir tant bien que mal notre programme scolaire, à bouquiner, à glander, à manger de très bons plats, sous le frais de la machine à laver climatiseur.
Nous sommes invités le soir de notre arrivée à visiter des bureaux de vote car c’est le jour J, les élections présidentielles. Le but, évident, est de nous montrer qu’en Iran il existe un processus démocratique de vote. Pour le coup c’est assez instructif. Nous entrons en VIP dans une mosquée transformée en bureau de vote. On nous autorise (voire encourage) à prendre des photos, ce qui habituellement est proscrit dans les sites officiels. Nous sommes même interrogés par la télévision locale (faisant de nous de vrais acteurs d’une propagande certaine…). Les gens font le queue pour récupérer leur bulletin de vote. Pas de signature mais une empreinte de doigt. Ensuite les votants écrivent à la main le nom du candidat pour lequel ils votent, parmi les six encore en lisse. Pas d’isoloir, le vote se fait sur une table au milieu de la grande salle. 
 




La vieille ville de Yazd est tout en briques de terre ocre séchées au soleil et recouvertes de pisée de la même couleur. La plupart des habitations sont surmontées de tours de vent  (badgirs) qui servaient à créer un courant d’air à partir de la brise et évacuer l’air chaud pour le remplacer par un air plus frais venant des pièces à moitié sous terre, des caves, des bassins et des jardins plantés. 





Une visite très matinale nous éclaire les ruelles avec une belle lumière et les yeux encore un peu gonflés de certains sont récompensés. Petite visite dans une boulangerie (nombreuses ici). Ils sont 3, l’un prépare la pâte et la répartit en petites portions, un deuxième homme donne en deux secondes à la pâte une forme arrondie taille pizza, le troisième homme la dispose à l’aide d’un coussin (comme en Géorgie) sur une plaque tournante en forme de 45 tours géant dont les deux-tiers sont plongés dans un four. Le même homme récupère le pain cuit en un tour de disque, le premier rassemblant le tout pour en faire des tas dont on voit les rejetons circuler tous les jours  dans les mains de passants, sur une selle ou un guidon de vélo ou encore à l’arrière de motos, nombreuses en Iran. Plus loin nous tombons sur un chantier de restauration d’une mosquée. Des ouvriers préparent le pisée en arrosant et mélangeant la terre à la paille pendant que d’autres en badigeonnent les murs. Derrière, un homme accroupi reconstitue une mosaïque en taillant les pièces une par une avec un petit marteau. Il nous montre son modèle, sorte de puzzle sur lequel il pose les pièces taillées au fur et à mesure. En rentrant prendre le petit déjeuner dans l’hôtel au petit bonheur la chance (trop agréable de se perdre dans le dédale de ces petites rues) nous croisons trois hommes qui montent sur un toit des briques qu’ils se lancent à la main une par une. Le petit déjeuner est excellent, des dattes, melon, pain, œufs sur le plat, café, thé, lait, confitures, fromage, concombre et tomates….




Yazd nous plait, nous sommes oisifs, comme un peu suspendus. La mosquée à côté de l’hôtel est super belle, bleue comme souvent. Il y a à côté un mausolée avec un dôme aussi magnifique. Et puis plein d’autres coupoles que nous voyons encore mieux lorsque nous montons sur les toits. A chaque fois cette drôle d’impression en voyant les limites de la ville qui se détachent nettement dans le désert et les montagnes au loin au pied desquelles une brume de chaleur tenace est enroulée comme si l’on avait passé gauchement un coup de gomme.
 




Au gré des balades dans les rues de la ville, nous rencontrons aussi des fabricants de sucre qui, dans de grandes cuves, fabriquent des plaques énormes de sucre qu’ils cassent avec un marteau ou fabriquent des pains de sucre phalloïdes.  
 



Un soir nous allons voir une séance de ZulKhané, le plus vieux sport iranien, rangé maintenant dans le traditionnel persan. Le lieu vaut en soi le détour, il s’agit d’un ancien réservoir en cône renversé arrondi, cinq tours de vent l’encadrent. A l’intérieur, une scène circulaire est creusée à 1 mètres sous le sol. Là, des hommes (seuls habilités  à la pratique) font des exercices de musculation, de danse, d’étirements au son et au rythme de deux percussions et de la voix d’un chanteur qui scande des extraits de poèmes d’Hafez et des versets du Coran. Il tape souvent sur des cloches le tout dans un rythme rapide, très entraînant. Les hommes font aussi des exercices avec des sortes de quilles de taille et de poids variables, choisis selon la taille de leurs pectoraux, biceps et trapèzes. Presque théatralisés, les exercices se font selon un rituel précis, les hommes, tout culottés d’un pantalon bariolé avec une grosse ceinture à la taille, répondent parfois au chanteur. A un moment donné aussi ils se succèdent au centre du groupe pour tourner sur eux mêmes, rapidement, à la manière des dervishs. 
 


Nous prenons certains jours les horaires iraniennes en prenant une glace ou un jus de fruits frais et glacé vers 20 heures, le dîner ne commençant jamais ici avant 22 heures. Nous aurons tous à moment ou un autre un transit bien accéléré mais jamais plus d’une journée.
Visite enfin de lieux zoroastriens, religion en voix d’extinction. Un petit temple sans grand intérêt dans lequel est maintenu allumé un feu depuis de centaines d’années ; et puis deux tours du silence, un peu en dehors de la ville, perchées sur de petites collines proches du désert et des montagnes. Ces tours servaient à disposer les corps des défunts pour que les vautours les nettoient ce qui permettait d’éviter de souiller la terre en les enterrant ou de polluer l’air en les brûlant.
Yazd nous berce quelque jours et nous lui faisons faux bond pour rejoindre le désert tout proche.