mercredi 26 juin 2013

Géorgie express


Batoumi, Géorgie, nous courons prendre notre train (merci à Maolann d'avoir vu que l'heure avait changé entre la Turquie et la Géorgie) vers lequel nous nous dirigeons sans entrer par la gare mais simplement par le bord de la route. Phanie perd le tirage au sort et va dormir dans le compartiment d’à côté, les toilettes sont immondes, l’odeur de cigarette imprègne tout, les fumeurs sont partout. Vieux train soviétique avec inscriptions en russe, du savon mais pas d’eau. Nuit très moyenne avec la sale impression qu’on joue aux osselets avec nos vertèbres dans nos sacs à viande, réveil trop précoce, il est 7 heures et nous arrivons à Tbilissi.

Nous sommes accueillis au sortir du train par Tsisso, une amie d'amie. Elle a réservé une chambre dans un hôtel dans la vieille ville. Nous traversons la gare lugubre, les murs sont jaunis, l’air est jauni, les gens sont jaunis. Tbilissi que l’on traverse en zig zag pendant 2 jours est bâtie le long d'un fleuve la Doura, qui rejoint ensuite l'Azerbaidjan. Quelques bâtiments « modernes » parfois sur le mode Batoumi, comme le palais présidentiel, parfois pas si mal comme le palais de justice en forme de bouquets de chanterelles, ou bien deux énormes tuyaux en mailles géantes et miroirs qui devraient bientôt accueillir un théatre ou centre culturel.



Des chapelets de Churchkhela (faits de raisin et noix)
Beaucoup d’Eglises orthodoxes, pas vilaines de l’extérieur (pas non plus délirantes) et parfois assez jolies de l’intérieur (comme celle du 12è à deux pas de notre hôtel familial). Le plus intrigant et aussi stupéfiant est le côté très mystique de la religion, religion-superstition. Des icones remplissent les églises mais aussi les cars, les voitures. Les parcours des priants est assez éloquent, stations multiples et parfois prolongées devant les portraits d’or de tel ou tel saint (ou sainte), puis les signes de croix qui entament chaque station la closent avant que les lèvres du bigot ne viennent se poser sur un coin du tableau ou de la gravure. Ces signes de croix débordent largement les églises. Le gens se signent systématiquement en passant devant une église à pied ou en autobus ce qui donne des saynètes croustillantes lorsque nous empruntons ce transport en commun.


En passant, une boulangerie: un homme dépasse à peine au dessus du sol, dans un coin d’immeuble. Il émerge à la taille et derrière lui dans une cave deux hommes font le pain. L’un dépose des pâtes, en forme de raquette à deux manches courts opposés, dans un four posé au sol, haut de 1 mètre 20, en les collant directement sur la paroi interne (le four est en forme de carafe tronquée au cou très court) ; l’autre récupère les pains cuits avec une pique et nous achetons deux pains croustillants, brûlants et troués en leur centre. Le prix est dérisoire et le gout excellent.
A Tbilissi, il y a la vieille ville incroyable, des maisons parfois complètement en ruine (une église aussi), parfois fortement décaties, parfois simplement fissurées. Anciennes demeures, souvent de bois que l’on imagine somptueuses du temps de leur splendeur. Et puis, en son sein, la vie, des gens qui habitent ce qui ressemble ici à des taudis, là à des lieux branchés bobos super bien réhabilités. Curieuse impression parfois d’une guerre toute récente et la vie qui reprend le dessus dans les décombres.
Beaucoup de vins ici en Gorgie. Beaucoup de fumeurs, des gens pas très affables, pas vraiment froids non plus mais pas chaleureux. C’est sur qu’après la Turquie c’est un grand changement. Nous avons gouté les pouris, pains aménagés en pizzas aux gôuts multiples, avec souvent pas mal de fromage,  on aime bien.





Et puis cette dernière déambulation dans la vieille ville, au milieu des bicoques branlantes et absolument charmantes, pendant que les enfants jouent dans leur maison-hôtel. Un son émerge de ce quartier en décrépitude, inattendu. Nous le suivons, avec Phanie, tels les rats attirés par le son d’un air de flûte. C’est un air de piano, répété, travaillé. On le suit comme une fumée qu’on respire jusqu’à la source et le filet musical grossit et s’amplifie encore jusqu’à nous mener vers une fenêtre d’une façade bancale. Son magique, j’imagine un homme, la trentaine, qui répète un morceau. Nous récupérons les enfants, les pouris commandés qui tardent et un taxi qui nous emmène vers la gare glauque. Nous nous installons dans un train de nuit pour Erevan. Je suis seul dans mon compartiment  de 4 places (chacun son tour), le contrôle de la douane ne se fait pas trop tard dans une gare arménienne où les arbres poussent à même le quai et où les chants des oiseaux sont envahissants. Le douanier ne réveille même pas les petits pour vérifier qu’ils sont eux mêmes, c’est tranquille.